OPTIMISATION D'UN LANCEUR

Mise à jour 6 décembre 1999, revu sept 2011

I Cahier des charges

La mission

Les données massiques et technologiques

II Préliminaires

Rapport Masse lanceur/Masse utile

III Optimisation

Contrainte imposée par les performances propulsives

Résolution et solution du lanceur optimal

Calcul numérique concret

Troisième cours de la série lanceur et certainement celui qui devrait le plus vous intéresser. Posons le problème, comme si vous étiez ingénieur chargé de l'étude de phase A, c'est à dire de définition d'un lanceur, à construire pour réaliser une mission donnée.

Nous travaillerons sur un exemple qui n'est pas sans rappeler les recherches des années 70.

I CAHIER DES CHARGES :

1°) DEFINITION DE LA MISSION :

C'est naturellement l'essentiel. Par exemple, pour atteindre l'indépendance nationale en matière de télécommunications, il est décidé de réaliser un lanceur, capable :

 D'un lancement GTO, à partir d'une base quasi équatoriale Kourou, avec une injection pratiquement au périgée, à Z=200 km du sol terrestre.

 D'envoyer une masse utile Mu donnée, par exemple Mu=1370 kg.

 De circulariser la trajectoire, à l'apogée, grâce à un moteur d'apogée compris dans la masse utile. Ce moteur construit en série est toujours le même dans chaque mission. Il ne fait réellement partie de l'étude.

2°) DONNEES TECHNOLOGIQUES :

Il apparaît comme évident, que lors du démarrage d'un nouveau projet ( avion, voiture, sous marin ...), les bureaux d'étude disposent bien sûr des meilleures technologies de l'époque, mais que tout naturellement, ils sont capables de se projeter dans l'avenir pour anticiper certaines évolutions, en germe au départ du projet.

Ceci pour dire, que sont connues ou partiellement projetées les données suivantes :

 Le nombre n d'étages, pour nous classiquement n = 3.

 IMPULSIONS SPECIFIQUES des ergols. Prenons par exemple la France, avec l'expérience déjà acquise avec les lanceurs de type Diamant ou Europa en coopération européenne, les ergols sont maintenant bien maîtrisés, la conception des moteurs aussi et donc les impulsions spécifiques sont connues avec une bonne précision.

(Isp1)moy = 2650 m/s

Isp2 = 2950 m/s

Isp3 = 4320 m/s

NB : Naturellement, nous prendrons pour l'étage 1 une impulsion spécifique moyenne, comme déjà souligné dans un cours précédent. Pour les autres ce sont les valeurs dans le vide.

Le projet est innovant en partie avec l'introduction (déjà essayée sans succès sur Europa ) d'un troisième étage cryotechnique LH²+LO², à très forte impulsion spécifique.

 Les indices de construction wi des moteurs. En effet des moteurs ont déjà volés, les calculs de résistance des matériaux s'affinent et des alliages ou matériaux modernes font leur apparition. Sont donc supposés connus à 5% près les indices suivants, tenant compte des ergols résiduels qui mouillent les réservoirs ou sont géométriquement inaccessibles :

w1 = 0.1073

w2 = 0.135

w3 = 0.175

 La masse estimée de la coiffe, mc = 800 kg, l'estimation est en rapport avec la masse et l'encombrement du satellite. Cette masse sera supposée être en supplément de masse utile.

 La masse de la case à équipement est de l'ordre de 270 kg. Elle est comprise dans l'étage 3

Nous ferons juste une petite simplification, en supposant que la coiffe est conservée jusqu'en fin d'étage 3, alors qu'en réalité elle est larguée au cours du vol de l'étage 2. Il en résultera un gain de vitesse et donc de masse utile que l'on pourra calculer en fin d'étude.

 Le décollage est prévu 4 s après l'ouverture des vannes des ergols du premier étage, on rajoutera donc au lanceur un supplément d'ergols, supposés débités suivant une loi linéaire entre Ho et Ho + 4 s, avant d'atteindre le régime nominal. Ces ergols sont dits "consommés sur table"

3°) ESTIMATION DES PERTES :

Forts de l'expérience acquise sur Europa en particulier et des publications de concurrents étrangers, il est possible de fixer une estimation des pertes de vitesse que subira le lanceur, lors de sa phase propulsée, pour une injection vers 200 km sol.

Une confirmation devra ensuite être donnée par une simulation numérique, une fois le lanceur dégrossi.

Ainsi DVpertes = 1800 m/s environ.

II PRELIMINAIRES :

1°) NOTATIONS :

Nous reprenons pour mémoire des notations déjà évoquées et rappelées dur le dessin de la page suivante :

Mu ( Flèche 2 )--> masse utile

Mc ( Flèche 1 ) --> masse de la coiffe

Mcase ( Flèche 3 )--> masse de la case à équipements

Mpi ( Flèches 9 -7 - 5 )masse des propergols ou ergols utiles de l'étage i, c'est à dire de ceux qui sont effectivement brûlés entre le décollage et la fin de combustion.

Msi ( Flèches 8 - 6 - 4 )masse de structure de l'étage i. Elle comprend la masse métallique de l'étage i, les équipements de nature diverses, la structure de la liaison étage i-étage i+1, mais aussi la masse d'ergols imbrûlés ou géométriquement inaccessibles dans les réservoirs. En conclusion, c'est la masse larguée après la combustion du moteur i.

2°) RAPPORT MASSE LANCEUR/MASSE UTILE :

Apportons ici, un court complément, strictement nécessaire à notre étude.

a) Rappels :

 Moi est la masse du lanceur, au décollage, c'est à dire au moment où il s'élève du sol. Depuis Ho, il y a donc eu éjection d'ergols sur table.

Mfi est la masse du lanceur en fin de combustion du moteur i et avant largage du reste de l'étage.

NB 1 : On aura compris, en regardant la figure, que nous simplifions le problème en gardant la coiffe durant tout le vol.

NB2 : Dans ces conditions, nous considérerons que la masse Mu* au dessus de l'étage 3 vaut :

Mu* = Mu + Mc

 

b) Rapport masse lanceur/masse utile :

Posons une nouvelle quantité mi (i=1..3), associée au numéro d'étages et de nouvelles variables xi (i=1..3):

Un calcul évident donne donc :

Ainsi, la chaîne des rapports mi conduit à :

et au rapport cherché entre la masse Mo1 du lanceur au décollage et la "masse utile", au dessus du dernier étage.

3°) CONTRAINTE IMPOSEE :

La mission et les conditions de l'injection vont, nous le montrons, imposer les performances propulsives globales DVprop du lanceur.

a) Vitesse absolue d'injection au périgée:

Calcul classique, avec un périgée sol de 200 km et un apogée absolu de 42164 km, au niveau géostationnaire. Si Vo est la vitesse absolue d'injection, on trouve :

Le vol est équatorial, l'azimut vaut 90°, l'injection est horizontale (au périgée), donc le lanceur profite, au point d'injection, totalement de la vitesse d'entraînement de la terre qui vaut, à 200 km du sol, dans l'équateur VT=480 m/s. Ce qui signifie aussi que les 3 vitesses absolue, relative et d'entraînement sont colinéaires, donnant ainsi une vitesse relative de 9759 m/s, nous dirons 9760 m/s.

Le cours sur la phase propulsée nous apprend que :

Nous obtenons ainsi une condition de CONTRAINTE sur les variables xi :

III OPTIMISATION DU LANCEUR :

1°) ENONCE DU PROBLEME :

Nous considérerons que le lanceur optimal est celui qui réalise la mission, avec une masse au décollage minimale. Il nous reste à déterminer comment les masses sont réparties dans le lanceur.

Mathématiquement, cela s'énonce ainsi :

COMMENT CALCULER UN MAXIMUM DE LA FONCTION f( x1, x2, x3 ) SACHANT QUE LES VARIABLES SONT LIEES PAR UNE CONTRAINTE g( x1, x2, x3 )=0 ?

La réponse est donnée en annexe, dans un cours spécial de calcul des variations ( à consulter ), que nous pouvons résumer ainsi : la solution du problème d'extremum lié est la même que la recherche d'un extremum libre d'une fonction annexe h = f + lg, où l est une constante inconnue ( multiplicateur de Lagrange ), à calculer en même temps que l'extremum.

2°) RESOLUTION :

Le système à résoudre est donc :

Une petite transformation donne un invariant K invariant par rapport à i :

K est la seule inconnue du problème donnée par l'équation :

3°) COMMENTAIRES :

NB 1 :L'équation qui donne K, de par la présence d'une fonction logarithme, interdit à K de dépasser en valeur, la plus petite des impulsions spécifiques. En général K est de l'ordre de 1000 à 2500.

NB 2 : L'équation d'invariance avec K :

montre :

 Que le rapport de masse associé à un moteur varie dans le même sens que son impulsion spécifique. La contribution en DVprop du moteur le plus performant sera donc augmentée. C'est logique.

 Que le rapport de masse associé à un moteur varie sens contraire de son indice constructif. Ce qui signifie que plus la construction d'un moteur est technologiquement performante, plus on demandera à ce moteur. Logique aussi.

4°) NOTRE LANCEUR POUR ÊTRE CONCRET :

Nous partons d'une masse Mo4 = Mu*=1370+800 = 2170 kg

W1= 0.1 W2 = 0.11894 W3 = 0.14785

a) EQUATION DONNANT K :

La résolution numérique donne K = 1932.5

DV1 = 2723 m/s, DV2 = 3140.7 m/s, DV3 = 5663.3 m/s dont le total est bien 11560 m/s, ce qui nous rassure sur la validité des calculs

x1=0.3579 x2=0.3448 x3=0.2675

m1=0.289, m2=0.2564, m3=0.1404

La masse au décollage du lanceur est MO1= 96.097*Mu*= 96.097*2170 = 208530 kg

b) DEVIS DE MASSE :

Les calculs que vous réaliserez donnent :

Ergols étage 1

Mp1

133898

Structure étage 1

Ms1

14367

Ergols étage 2

Mp2

39483

Structure étage 2

Ms2

5330

Masse ergols étage 3

Mp3

11318

Masse structure étage 3

Masse case à équipement

Ms3

1964

270

Masse coiffe

Mc

800

Masse satellite

Mu

1370

TOTAL

 

208530

Ergols consommés sur table

 

1500

LANCEUR SUR TABLE

 

209 t

La masse utile est bien celle prévue, confirmant l'ensemble des calculs.

c) NOMS DES ETAGES :

S'il fallait nommer ces étages, nous dirions classiquement :

 ETAGE 1 à ergols liquides L 130 ou L140

 ETAGE 2 à ergols liquides L40

 ETAGE 3 à LH²+LO² : H 11

Vous vérifierez qu'à peu de choses près nous avons retrouvé le lanceur Ariane 1.

Guiziou Robert novembre2000

NB : Une version papier optimisée pour la mise en page est fournie sous Word 97, son nom : LANCEUR3.DOC